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Cet article est une contribution au laboratoire d’idées « Vers un monde meilleur ». Ses membres publient une fois par mois un article sur un thème commun. Ce mois-ci, le thème est « Faire face au changement » , proposé par Carole du blog Adolescence Positive et son article Cinq clés pour comprendre et gérer les changements de rythme de sommeil à l’adolescence.
Les changements sont souvent très difficiles pour les enfants autistes. Leurs problématiques sensorielles combinés à leur « cécité sociale » rendent le monde qui les entourent particulièrement déroutant.
En effet, les personnes autistes sont réceptives au moindre petit changement visuel ou auditif. Leur cerveau ne joue pas toujours son rôle de filtre. Elles se retrouvent alors rapidement submergées d’informations et de détails qui peuvent rendent la compréhension d’une situation difficile. L’important et le superflu prennent autant de place d’un point de vue perceptif.
Un environnement relativement constant limite la surcharge mentale et sensorielle. Un changement peut être perçu comme très désagréable.
Par ailleurs, leurs difficultés à interpréter et comprendre les émotions, les croyances et les intentions de leur entourage (théorie de l’esprit) les confrontent à des situations auxquels elles ne peuvent pas toujours faire face de façon adéquate. Le contexte n’a pas forcément de sens. C’est comme si elles vivaient constamment dans une sorte d’énigme.
Pour contrer ce monde imprévisible, la personne autiste apporte elle-même des routines et des rituels dans son quotidien. Ainsi, les jeunes enfants peuvent s’amuser à ouvrir et refermer les portes indéfiniment, à aligner des objets ou à les regarder longuement tourner. Ou encore poser sans arrêt la même question, même s’ils en connaissent déjà la réponse, jusqu’à épuiser leur auditoire.
Les personnes autistes développent également ce que l’on appelle des intérêts spécifiques. Ces passions et thématiques parfois étranges, dans lesquelles elles deviennent incollables et intarissables.
Les écholalies immédiates, quant à elles, sont souvent le signe que l’enfant cherche à s’approprier ces mots malgré un défaut de pragmatique du langage. Il n’en saisit pas le sens à travers leur contexte.
Un enfant qui chantonne indéfiniment peut chercher à masquer un autre bruit parasite que son cerveau ne filtre pas et qui l’envahit.
Ces exemples montrent que l’enfant cherche une manière d’apporter un semblant de maîtrise de son environnement qu’il ressent comme envahissant et parfois peu compréhensible. L’instant présent est complexe à gérer dans ce monde qui n’est pas bâti à la mesure de leur fonctionnement. De ce fait, leur fatigabilité est grande car l’immédiat monopolise déjà toutes leurs ressources. Ainsi, toute rupture ou toute transition non préparée peut être sujette à l’émergence d’un véritable malaise voire d’un trouble du comportement important important.
Cette maîtrise de l’environnement que les personnes autistes mettent en place et que l’on confond souvent avec de la rigidité n’est là que pour apporter du sens là où le monde dans lequel elles évoluent n’en propose pas. C’est un refuge, un îlot où l’immuable permet de s’apaiser enfin.
Theo Peeters a écrit lui-même : « Celui qui n’arrive pas à trouver une sécurité dans la compréhension de la vie cherchera cette sécurité dans les perceptions ou dans le fait de retrouver un monde prévu et appris par cœur. Si notre ordre est trop difficile, elles créeront un autre ordre qui leur convient »*
En plus des défis sensoriels et sociaux, les personnes autistes peuvent éprouver des difficultés liées aux fonctions exécutives, qui comprennent la planification, l’organisation, la gestion du temps, et la flexibilité mentale. La flexibilité mentale est la capacité à s’adapter aux changements, à passer d’une tâche à une autre, et à penser de manière flexible. Pour un enfant autiste, les routines et les rituels offrent une structure prévisible qui aide à compenser ces défis. Un changement soudain dans leur routine peut donc non seulement être désorientant sensoriellement et émotionnellement, mais aussi cognitivement. Cela explique pourquoi les transitions et les changements peuvent être si stressants et provoquer une forte résistance ou une peur de l’imprévu.
Pour soutenir votre enfant dans le développement de ses fonctions exécutives, il est important de construire des routines qui offrent à la fois structure et opportunités pour développer la flexibilité mentale. Par exemple, vous pouvez introduire des petits changements prévisibles dans sa routine quotidienne pour l’habituer progressivement à la flexibilité. Utiliser des outils visuels, comme des pictogrammes, pour planifier la journée et les changements peut aussi aider à rendre ces transitions plus compréhensibles et moins intimidantes. En renforçant ces compétences, votre enfant sera mieux équipé pour gérer le stress associé au changement et à l’imprévu, tout en conservant un sentiment de contrôle et de sécurité dans son environnement.
La première des actions à entreprendre et d’alléger au maximum le stress quotidien de votre enfant. En effet, le stress chronique ne lui permet pas de gérer efficacement ses émotions et l’empêche d’être disponible pour de nouveaux apprentissages.
Commencez par lister toutes les situations anxiogènes pour votre enfant. Vous pouvez vous aider pour cela de l’« Inventaire du stress ». Cette classification va vous permettre de mieux cibler les difficultés de votre enfant par ordre d’importance. Ainsi, vous allez pouvoir définir comment agir sur les situations anxiogènes. Celles qui peuvent être évitées, accompagnées ou structurées.
→ Ensuite, construisez des routines d’apprentissage sécurisantes à l’aide de petites séquences imagées ou écrites : routine du matin et du soir, de l’habillage, de la toilette ou de toute autre séquence compliquée pour votre enfant et sur laquelle il pourra s’appuyer. (ex. Pour le lavage de mains)
→ Offrez de la prévisibilité à court et moyen terme grâce à un planning que vous aurez défini avec lui et qui lui permettra d’anticiper son quotidien et sa semaine. Construisez-le de manière à limiter au maximum les situations de stress, aménager autant que possible les situations difficiles (cantine, cours de récréation, sorties de groupe, etc.). Faites également un planning pour les périodes de vacances.
→ L’environnement dans lequel votre enfant évolue est extrêmement important. Favorisez au maximum un cadre accueillant. Le monde environnant est la plupart du temps pour votre enfant l’équivalent d’une grande surface un soir de 24 décembre. Faites en sorte qu’il ait un endroit bien à lui, au calme, agréable pour ses sens.
→ Prévoyez l’imprévu et apportez de la souplesse de manière acceptable pour votre enfant en l’avertissant à l’avance d’un plan B en cas de nécessité.
Cette planification va permettre à votre enfant de s’installer dans des routines rassurantes et constructives et d’abandonner les rituels personnels qui le désorganise. Les moments de transition seront alors pour lui bien plus faciles à accepter.
Vous trouverez toutes les informations utiles ainsi que des pictogrammes pour construire ces outils dans le bonus téléchargeable qui se trouve au tout début de cet article.
Vous pourrez en parallèle entamer avec votre enfant la lecture du livret « Incroyable Moi, maîtrise son anxiété » afin de l’aider à comprendre ce qui se passe en lui et pourquoi.
De manière générale, lui apprendre à gérer ses émotions l’aidera beaucoup à faire face aux situations nouvelles ou angoissantes.
Pour les plus grands, créez un petit carnet d’urgence à avoir toujours en poche avec les solutions correspondant à chaque situation critique ainsi que tous les numéros des personnes qu’il peut appeler pour l’aider. En cas de stress intense, votre enfant peut se sentir extrêmement confus et céder à l’état de panique en oubliant ce qu’il convient de faire. Un petit carnet de survie peut s’avérer bien utile !
Votre enfant a des besoins d’immuabilité qui lui permettent de réguler les nombreux moments de sa journée. Choisissez les rituels personnels à conserver et ceux à éviter.
Ne combattez petit à petit que deux ou trois comportements inappropriés qui le méritent vraiment. Les changements doivent se faire au compte-goutte. N’oubliez pas que les stratégies et les besoins de votre enfant sont différents. Il a besoin de ses repères. Installez de nouveaux comportements plus constructifs au fil du temps. Listez ceux qui le désorganisent réellement et l’empêchent de rentrer dans les apprentissages. Il en va de même pour les stéréotypies (ou stimming) : lorsqu’elles sont provoquées par le stress ou l’ennui, proposer une solution alternative, lorsqu’elles aident votre enfant à se réguler, laissez-le faire.
Essayer également de ne pas créer vous-même ce genre d’habitude en évitant de lui donner par exemple toujours la même jolie assiette avec un petit camion de pompier pour manger. Vous l’incitez ainsi à mettre en place des rituels qui risquent de poser problèmes à l’extérieur de la maison.
Proposez pour chaque séquence de sa journée des listings ou pochettes de choix à votre enfant. Activités extérieures, temps calme, etc.
Limitez-les propositions à trois choix que vous afficherez en première page et échangez-les régulièrement.
Vous aiderez ainsi votre enfant à devenir plus autonome et à occuper son temps libre de manière agréable.
Si votre enfant ne sait pas jouer, décortiquez chaque séance de jeu en images et faites en une petite histoire qu’il pourra consulter pour « apprendre » à jouer.
Par exemple, vous pouvez étape par étape lui montrer comment il peut jouer avec un garage pour ses voitures. Photographiez chaque étape de jeu, de l’utilisation de la rampe à celle de l’ascenseur ou des rouleaux de lavage. Au début, guidez-le dans l’utilisation du livret et montrez lui comment faire.
Vous pouvez faire de même avec un déguisement et lui faire mimer une petite séquence de la journée d’un pompier qui sauverait son doudou de l’incendie. Photographiez chaque séquence et mettez-les en histoire afin qu’il sache la rejouer et y prendre plaisir.
Pour les plus grands, faites des fiches visuelles qui aident l’enfant à jouer aux jeux de société. Il peut avoir le droit de prendre des notes pour ne pas oublier ce qu’il a déjà fait. Vous pouvez également simplifier les règles. N’oubliez pas de faire, avant de jouer à plusieurs, une petite fiche sous forme de scénario social expliquant ce qu’est un bon joueur qui l’aidera à opter pour le bon comportement même en cas de défaite.
Pour commencer, misez sur les jeux où il n’y a pas de perdants ou bien sur les jeux d’équipe ou l’adulte de son équipe perd également. Il apprendra par l’exemple la bonne attitude à adopter.
De manière générale, dans la journée de votre enfant, évitez l’échec autant que possible. Augmenter les consignes où vous savez qu’il va réussir afin de l’aider à dépasser celles qui sont plus difficiles.
→ Si les pauses lui permettent de faire le plein d’énergie, au contraire profitez-en pour le lancer sur des apprentissages qui requièrent un peu plus son attention. Les temps de récupération par alternance sont indispensables pour votre enfant, ils lui permettent de relâcher la pression et de retrouver suffisamment de calme et d’énergie pour faire face au changement.
Pour d’autres l’endormissement est extrêmement long. Parfois, les parents mettent du temps avant de s’en rendre compte car leur enfant reste calmement dans sa chambre en plein milieu de la nuit même s’il reste éveillé deux heures durant.
Un enfant autiste a toujours des journées extrêmement chargées. D’une part parce que son fonctionnement ne correspond pas aux rythmes et aux attentes qui lui sont souvent imposés. D’autre part, parce qu’il n’est pas rare qu’il cumule, l’école, les prises en charge et donc les nombreux déplacements qui le confrontent à tout un tas de contraintes désagréables et énergivores.
Couchez votre enfant à un horaire fixe, ritualisez le coucher et évitez les activités stimulantes avant d’aller au lit. Si ses troubles sont trop importants, n’hésitez pas à consulter, les pédopsychiatres peuvent prescrire de la mélatonine, une hormone naturelle qui provoque l’endormissement.
En me baladant l’été dernier dans les rues de Tours je suis tombée sur ce livre qui m’a tapé dans l’œil !
→ J’apprivoise les changements : déménagements, changement d’école, famille recomposée…, de Nadège Larcher, (éd. Bayard Jeunesse)
Je me suis empressée de rentrer dans la librairie pour le feuilleter. Mes enfants sont trop grands pour ce genre de lecture mais, s’ils avaient été plus petits (7-11 ans), nul doute que je l’aurais acheté !
Ce livre est divisé en 7 chapitres (dont un pour les parents ^^) : Autour de toi ?… / Les imprévus / La famille / Des changements à l’école / Je grandis / Ton corps change ! / Le coin des parents.
Il est joliment illustré et propose de nombreux quizz qui aident l’enfant à mieux se connaître et à apprivoiser les changements.
J’ai pris quelques photos pour vous 😉
Pour aider votre enfant à gérer au mieux les changements, anticipez et essayez de vous « décentrer » afin de mieux percevoir la pensée autistique. Imaginez-vous dans la peau de quelqu’un d’autre (métaposition) et devenez analyste quand vous sentez que l’affect altère la pertinence de votre jugement. Bien souvent cela offre de nouvelles idées pour mieux accompagner votre enfant.
→ Si votre enfant court partout ou est prêt à imploser, n’hésitez pas à lancer une bouée de secours avec un « Tiens, on va faire une activité pour se détendre ». Peu à peu, il s’appropriera des stratégies de gestion de soi plus efficaces.
→ A l’école proposez des « billets de pause » à donner discrètement à son AVS/AESH ou à son professeur lui permettant de sortir de la classe pour aller dans un coin calme (défini à l’avance) se ressourcer le temps qui lui sera nécessaire. Les enfants autistes, extrêmement droits, n’abusent généralement pas de cette option. Ils peuvent parfois l’éviter afin de ne pas être stigmatisés. Il faudra alors utiliser une autre méthode moins visible.
* L’autisme – De la compréhension à l’intervention, Theo Peeters, éd. Dunod, p.168.
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6 réflexions sur “Aider votre enfant autiste à faire face aux changements”
Merci beaucoup bien résumé
Merci Marie-Laure 🙂
Merci beaucoup pour cet article avec vos « trucs et astuces ». Ayant travailler de nombreuses années dans une section pour enfants et ados TSA, je me « rebellais » souvent contre les personnes qui parlaient des enfants tsa ne supportant aucun changement. Quand le changement est soudain OUI effectivement. C’est pour cela que nous avions créé un réseau IMPORTANT avec tous nos partenaires extérieurs. Si une activité était annulée, nous informions l’enfant ou l’adolescent du changement avec une carte barrée d’un trait rouge et une activité de SUBSTITUTION lui était proposée. Cela n’avait aucun effet négatif car ils comprenaient que l’activité n’aurait pas lieu. Il est important de connaître aussi la sensibilité de l’enfant par rapport aux bruits par exemple car les mobylettes, ou les klaxons sont souvent source de changement soudain et ce n’est pas facile à gérer surtout quand vous êtes en groupe.
En tout cas, merci infiniment et ce sont d’excellents conseils que je m’efforcerais de partager avec mes collègues et les enseignants que je rencontre dans le cadre de ma fonction de coordinateur EMASCO (Equipe Mobile d’Appui à la Scolarisation). Meilleurs voeux à vous et au plaisir de vous relire .
L. V
Merci Laurent pour votre retour et le partage de votre expérience. Merci pour votre engagement auprès de nos enfants et votre soutien 💙
Merci beaucoup pour cet article très intéressant ! Pouvez-vous me dire s’il y a un moyen de l’imprimer ?
Bonjour Audrey, cet article se trouve en PDF dans la boîte à outils du site 😉