Quel plus beau sujet, après ma précédente lettre à mon fils, que l’estime de soi ?
Voir grandir un enfant avec un trouble autistique, nous confronte à la dure réalité du rejet et de l’exclusion. C’est une situation très douloureuse pour notre enfant qui nous affecte profondément.
Imaginez un enfant autiste en cours de récréation. Il ne sait pas comment aborder les autres et arrive en plein milieu d’un jeu pour parler de ses centres d’intérêts. Intérêts qui sont souvent sans grand attrait pour sa tranche d’âge : il peut faire de longs monologues sur la croissance des champignons, les conditions de vie des poilus pendant la 1ère guerre mondiale ou les différents types de nuages. Évidemment, il ne comprend pas, ni ne s’aperçoit que cette thématique ne plaît pas à ses camarades. Comment un sujet si passionnant ne peut-il être la passion de tous ? Il ne voit ni l’agacement, ni ne comprend les sous-entendus qu’il interprète comme une envie de poursuivre la discussion. En plus, il fait ces gestes étranges qui lui permettent de gérer son excitation ou son anxiété tout en parlant trop près ou trop fort ou encore avec une voix bizarre. Il utilise des mots scientifiques ou que les autres enfants ne comprennent pas. Et quand bien même il aurait appris au détour de séances d’habiletés sociales à intégrer un groupe en étant plus attentif aux réactions des autres et à leurs intérêts, le voilà soudainement agressé par le bruit dans la cour de récréation. Il a alors besoin de se rassurer, de suivre ses propres règles. Il ne suit plus le rythme du groupe. D’ailleurs, il est malhabile et lorsque les jeux sont sportifs, il fait toujours perdre son équipe. Le voilà donc seul à faire des allers et venus dans la cour comme un lion en cage. Comme il ne sait pas initier un jeu et que les tactiques d’approche échouent et se répètent, il se retrouve isolé et sujet à l’incompréhension, à l’indifférence ou aux moqueries.
Pourtant, cet enfant a fait de gros efforts pour aller vers le groupe. Pour essayer de parler d’un sujet intéressant. Il a participé du mieux qu’il pouvait, il a essayé de comprendre les règles. Il a dit des mots gentils mais le compliment était peut-être un peu « emprunté » ou a essayé de rendre service en tenant la porte à toute la classe. Ses efforts passent pour des bizarreries. Les codes sociaux lui échappent. Cependant, le rejet ne lui échappe pas. Il connaît ses difficultés mais ne les comprend pas toujours. Imaginez son désarroi. L’estime de soi en prend un sacré coup.
Comment améliorer l’estime de soi chez votre enfant autiste ?
Expliquez sa différence à votre enfant
Tout d’abord, pour la plupart des psychologues, il semble judicieux d’informer son enfant de sa différence le plus tôt possible. En adaptant bien entendu le vocabulaire à l’âge de l’enfant.
Pour mon fils, par exemple, j’ai procédé ainsi :
- Avant 6 ans, je lui expliquais qu’il avait quelque chose de spécial, mais aussi, qu’il pourrait en faire quelque chose de spécial. Qu’il lui fallait faire des efforts plus importants pour vivre en groupe mais que ça ne faisait pas de lui quelqu’un de moins intelligent. Que nous l’aiderions, et que d’autres personnes étaient comme lui.
- A partir de 6-7 ans, j’ai commencé à parler de syndrome d’Asperger et d’autisme en expliquant que ça n’était pas une maladie. J’essayais d’aborder son fonctionnement comme une différence. J’évitais le mot handicap qui semblait assez fort et était pour lui plus représentatif d’un trouble moteur.
- A 8 ans, face à l’incompréhension de certains élèves, il a fallu clarifier les choses. Il entendait qu’il était « malade », « pas normal » et « handicapé ». Ça l’a beaucoup blessé. Alors, je lui ai de nouveau expliqué qu’il avait raison et que l’autisme n’était pas une maladie. Qu’il était né avec et que c’était effectivement considéré comme un handicap. Je lui ai aussi raconté qu’avoir une mauvaise vue était aussi une forme de handicap. Que sans lunettes, beaucoup de gens se retrouveraient bien embêtés mais que comme c’était très fréquent, bien connu et facilement corrigé, c’était communément accepté. Nous avons pu ainsi développer et comprendre qu’il y avait des handicaps plus ou moins pénalisants.
Informer son enfant tôt, c’est lui permettre d’accepter sa différence en douceur et dans la durée. Une information tardive peut avoir un effet désastreux sur l’enfant surtout s’il est déjà préadolescent, ado ou jeune adulte. Votre enfant peut alors s’enfermer dans le déni car sa souffrance est trop intense. Il peut aussi avoir du mal à dépasser sa colère de ne pas avoir su plus tôt et de ne pas avoir trouvé une aide adaptée. Cette violence, il pourra avoir envie de la retourner contre lui-même. Lorsqu’il s’agit d’un diagnostic tardif, il est important que votre enfant comprenne que ni lui ni vous n’y êtes pour rien. Il faut pouvoir lui expliquer que notre société ne diagnostique pas bien ce handicap en raison de son retard dans le domaine de l’autisme. Votre enfant peut aussi ressentir une immense tristesse qu’il faudra l’aider à dépasser. Les jeunes adultes autistes et plus fortement les autistes Asperger ou de haut niveau sont plus facilement exposés à la dépression car ils ont une conscience très juste et souvent intolérable d’eux-mêmes et de leurs difficultés. Il ne faut évidemment pas hésiter à consulter lorsque l’on sent son enfant en souffrance quelque soit son âge.
Informer l’entourage
Parlez-en où que votre enfant aille. Que ce soit pour son cours de sport, à l’école, lors d’un stage ou d’un anniversaire, même si votre enfant sait plutôt bien le masquer, il faut que quelqu’un soit au courant. Si votre enfant ne souhaite pas faire l’objet d’une information potentiellement stigmatisante (l’objectif n’est ni de le « faire rentrer dans le rang » ni de le montrer du doigt, il vise juste à ce que les autres comprennent sa différence et en tiennent compte), il conviendra de faire un point avec lui et éventuellement avec un psychologue afin de savoir quelles seront les personnes informées et pourquoi. L’information peut être faite en présence de l’enfant par vous-même ou à l’aide d’un support explicatif (livret, fiche, etc.) afin d’éviter une mise en scène excessive qui pourrait alors être contre-productive. Un prof de ski informé sera reconnaissant et attentif. Si ce n’est pas le cas, signalez-le et demandez un changement. Nous n’avons eu que de bonnes surprises à informer l’entourage. L’attitude des moniteurs, de l’équipe pédagogique ou encore des autres enfants s’en voit alors nettement améliorée. Sensibiliser les enfants dans les écoles est indispensable.
Ne croyez pas qu’un camarade qui ne sait pas ne voit pas. Au contraire, un enfant averti a plus de chance de modifier son comportement dans le bon sens. Un enfant qui voit sans comprendre risque de rejeter ou de maltraiter par peur de la différence. Les enfants qui agissent mal, informés ou non, sont minoritaires. Si tous les enfants sont informés, les autres lui viendront en aide et seront susceptibles d’alerter et de protéger. L’effet de groupe est puissant, il vaut mieux l’utiliser dans le bon sens.
Dans une école ouverte, vous pouvez également demander une tutelle. Dans certaines écoles, au Canada par exemple, il n’est pas rare qu’un petit groupe d’élèves instruits des difficultés induites par l’autisme et choisi pour sa qualité d’empathie, d’écoute, de serviabilité et/ou de maturité ait pour mission de se relayer et d’aider le camarade autiste. Ainsi, votre enfant ne se perd plus dans les couloirs, retrouve ses affaires, est intégré aux jeux et une alerte est donné en cas de difficultés. C’est bien souvent un rapport gagnant-gagnant puisque les enfants désignés se sentent investis d’une responsabilité importante sans qu’elle soit envahissante puisque plusieurs enfants se relaient. Lorsque l’auxiliaire de vie scolaire (AVS) de mon fils est absente, deux ou trois élèves prennent alternativement le relais sur les temps de classe et cela donne très souvent de bons résultats.
Si votre enfant bénéficie d’une AVS, il est important qu’elle comprenne qu’elle doit agir avec lui comme un coach social. Une vigilance au moment de la récréation est particulièrement importante. Elle peut rester à distance et laisser votre enfant jouer mais si l’intégration se fait mal, il est important qu’elle puisse intervenir et lui montrer comment il peut initier un nouveau jeu, respecter les règles et maintenir une interaction avec les autres enfants. L’inclusion passe par un accompagnement dans tous les lieux de vie. Limiter l’aide à l’apprentissage n’aidera pas la personne autiste à s’intégrer. La clé de la réussite est bien l’acceptation et l’adaptation de tous quelque soit nos atouts et nos différences. Les autres enfants gagneront énormément à appréhender l’autre dans sa globalité, d’autant plus s’il est différent. Les valeurs empathiques, morales et de réflexion sur soi et les autres aident tous les enfants à bien grandir et à devenir des adultes responsables et ouverts. C’est une richesse pour eux d’être confronté à la complexité de l’altérité. L’école ne forme souvent pas suffisamment les enfants en ce sens. Cependant, certaines institutions scolaires sont prêtes à s’investir alors n’hésitez pas à leur passer de l’information et à demander la mise en place d’une tutelle.
Pour informer l’enfant et son entourage, vous pouvez vous appuyer sur les deux livres suivants: Autisme… Qu’est-ce que c’est pour moi ? ou Je suis spécial qui donnent d’excellentes pistes.
Favorisez les amitiés
Si votre enfant vous parle d’un autre enfant qu’il apprécie au judo, à l’école ou ailleurs. Invitez-le ! Limitez le temps de jeu à 2 heures pour éviter une surcharge à votre enfant. Faites garder vos autres enfants par votre ami(e) ou à l’extérieur si vous savez que cela peut poser problème. Organisez des activités que votre enfant apprécie particulièrement et qui seront susceptibles de plaire à son copain. Et surtout, briefez votre enfant sur le déroulement de l’invitation, expliquez-lui ce qu’il pourra ou non faire ou choisir, ce qui est attendu de lui, etc.
L’importance des supports pédagogiques
Il existe de nombreuses stratégies à mettre en place en fonction des situations.
Tout d’abord, fabriquez ensemble un tableau de ses réussites et de ses passions qu’il accrochera dans sa chambre ou dans tout autre endroit qui lui permettra de le voir souvent. Mettez-y ses plus grandes victoires. Accrochez-y ses médailles sportives s’il en a. Sinon, fabriquez-les. On peut être champion de beaucoup de choses ! Votre enfant avec ses difficultés s’est certainement déjà dépassé de nombreuses fois.
Ensuite, vous pouvez utiliser un carnet comme un journal intime et lui demander d’y écrire ou d’y croquer son vécu, ses sentiments. Certains enfants adorent écrire ou dessiner, profitez-en.
Ici, comme mon fils a beaucoup de difficultés à écrire longtemps en raison de ses troubles praxiques, nous nous limitons, en termes d’écriture, à la roue de la conscience. Cet outil aussi nommé Mindsight est présenté dans l’excellent livre Le cerveau de votre enfant. Le but étant ici de faire comprendre à l’enfant que sa journée est faite de désirs, de peurs, de joies, d’émotions et autres perceptions à écrire sur sa roue dont le centre porte son prénom. Il peut ainsi comprendre qu’il peut détourner sa pensée vers des sentiments plus agréables et ne pas laisser un sentiment douloureux ou difficile prendre toute la place. Un beau travail sur soi, poétique et efficace.
Une autre méthode très importante également, consiste à créer un tableau de ses difficultés et à mettre en parallèle un tableau de solutions adaptées à chaque problème. Ainsi votre enfant arrivera à trouver des ressources pour résoudre des problèmes seul. Il gagnera en autonomie, ce qui est souvent un aspect difficile pour les personnes autistes, et se sentira plus confiant. Mon fils déteste par exemple les cris des bébés ou les bruits de bouche. Il peut alors choisir entre mettre son casque ou des bouchons d’oreille, aller dans une autre pièce, écouter de la musique… Ce tableau évite les conduites qui semblent plus simples mais ne sont pas appropriées telles que, dans cet exemple, crier sur sa sœur ou la critiquer pour la faire cesser. Cela amuse celle-ci qui en rajoute et ça finit en course poursuite pour se taper dessus…
Les activités extra-scolaires
Inscrivez-le à une activité qu’il aime et dans laquelle il montre de bonnes capacités et de la persévérance. Prévenez le groupe comme indiqué plus haut. Veuillez à ce que les adultes qui encadrent l’activité restent également vigilants si votre enfant doit se retrouver seul avec ses camarades (vestiaire, etc.) afin de sensibiliser le groupe en cas d’incompréhension (difficultés d’habillage, ritualisations, etc.) et d’éviter toute forme de discrimination.
Prodiguez amour et bienveillance
Évidemment, le conseil le plus évident pour maintenir ou améliorer l’estime de son enfant est de l’aimer et de l’accepter tel qu’il est 😉
Félicitez-le quand il réussit. Câlinez-le s’il n’est pas dérangé par le contact physique. Encouragez-le à participer à de petites tâches qui le responsabilisent et l’obligent à coopérer. Aidez-le à comprendre et apprendre de ses erreurs. Consolez-le. Soyez attentif à ce qu’il cherche à vous dire. Trouvez des moments où vous êtes tous les deux posés et prêts à discuter. Mon fils est par exemple extrêmement réceptif le soir avant de se coucher. Les tensions de la journée semblent s’être dissipées et il règne une espèce de flottement agréable où de nombreux sujets passionnants sont échangés. Gardez la confiance de votre enfant et entretenez-la autant que possible. Soyez vous-même heureux et déchargez-vous autant que possible en déléguant quelqu’un pour les devoirs ou pour passer une soirée avec votre moitié. Un parent épanoui reste encore la meilleure façon de produire des effets positifs sur les enfants ! Et même si tout cela paraît évident, ce sont certainement ces engagements-là les plus durs à mettre en place.
Pour poursuivre cette idée, je vous conseille de lire et compléter ensemble les livres Incroyable Moi maîtrise son anxiété et Autisme… Qu’est-ce que c’est pour moi ?
Encore une fois, bien se connaître, c’est le début de l’acceptation. Ces ouvrages ont un pouvoir formidable avec mon enfant lorsque nous en lisons un chapitre le soir, je ne peux que vous encourager à les remplir ensemble. Vous n’oublierez jamais ces moments de partage.
Travaillez avec lui les codes sociaux
Pour finir, vous pourrez lui expliquer comment comprendre les intentions des autres et mieux s’intégrer dans un groupe en lisant ensemble le livret Tu es un détective social ! Ce petit livre plait beaucoup aux enfants. Il se lit vite et reste un bon entraînement à faire avec votre enfant surtout s’il n’a pas la possibilité de suivre des groupes d’entrainement aux habiletés sociales.
En conclusion, je vous laisse à cette petite vidéo… encore québécoise. Expérience qui semble avoir été réalisée avec beaucoup de précaution et qui a dû en marquer quelques-uns…
Edit du 22/02/2017:
Il y a peu de temps un retour sur expérience en vidéo a été réalisé ! Dix ans plus tard voici ce qu’ils nous en disent 😉
Et vous, qu’est-ce qui fonctionne chez vous pour rebooster votre/vos enfant(s) et faire croître leur confiance en eux ? Quelles solutions avez-vous trouvées ?
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